Les grosses: grandes absentes du petit écran

Ces dernières semaines, entre week-ends de pluie, jours de congé ou soirées à la maison, j’ai passé un temps certain devant le petit écran, rentabilisant allégrement notre abonnement Netflix. Et je me suis rendue compte à nouveau que dans les séries que je regarde (ou celles que regardent mes filles), personne ne me ressemble, ou ne ressemble à la jeune fille que j’ai été. Et c’est un problème. Parce que je ne suis pas un être exceptionnellement rare au point de justifier de n’avoir personne qui me ressemble. Je suis juste grosse. Ce qui semble être un truc tellement atroce qu’on ne peut pas nous montrer à la télévision.

Ce n’est pas la première fois que je fais ce constat. Adolescente, je regardais MTV et MCM (#filledesannées90) avec un énorme pincement au cœur en constatant que la majorité des filles dans les clips de chansons d’amour étaient magnifiques ET minces. Il y a du y avoir une ou deux exceptions mais à part chez Prince (dans le clip de The most beautiful girl in the world ou dans les paroles de Kiss, où il dit qu’elle ne doit pas être jolie pour lui plaire) je n’en vois pas beaucoup d’autres. Et moi j’ai grandi en intégrant l’idée que l’amour qu’on raconte dans les chansons, c’est juste pour les jolies filles minces, pas pour les filles comme moi.

Et il n’y avait pas que la musique! Les séries de l’époque étaient pareilles: repensez à Beverly Hills 90210, Parker Lewis ne meurt jamais, Charmed, Hélène et les garçons (ne me jugez pas, vous regardiez les mêmes!), Hartley cœurs à vif, Sauvés par le gong, Le Prince de Bel Air, Friends… Où sont les grosses? Et bien, elles étaient soit 1) inexistantes, 2) représentées par la fille timide/intello/mal-aimée/pas très jolie 3) mises en scène comme d’anciennes bouffonnes devenues minces avec le temps (comme Monica, dans Friends).

Tu ne t’es pas assis sur mon Kit-Kat, hein?

Les choses ont changé. Vraiment?

Oui, je sais, c’était les années 90. On ne pensait pas à tout ça. Les lesbiennes non plus n’étaient pas représentées – ou alors juste de façon subtile – (même si, quand on y repense, rien n’était subtil chez Xena, mais c’est une autre histoire). Les noires l’étaient à peine, et seulement dans les séries américaines, grâce à la population afro-américaine. Et puis les femmes, dans leur ensemble, n’étaient pas représentées de façon plus élogieuse: sexisme, sexualisation, clichés, rôles de faire-valoir,…. Donc, oui, la télévision des années 90 (et pas que) ne faisait du bien qu’à une partie de la population masculine.

Depuis, les choses ont un peu changé. Mais pas pour tout le monde.

Il y a un effort réel pour montrer des héroïnes complexes, avec moins de clichés de genre. Les castings deviennent plus inclusifs, montrant des lesbiennes, des noires, des transgenres,… Mais où sont les grosses? Dans les grandes séries populaires? Et je ne vous parle pas d’un personnage stigmatisé pour son poids ou considéré – comme il y a 20 ans – comme un faire-valoir ou un exemple de mauvaise hygiène de vie. Je parle de personnages féminins positifs et non stéréotypés malgré leur surpoids/obésité.

Si vous en avez, je suis preneuse parce que moi, franchement, je les compte sur les doigts d’une main:

  • Miranda Bailey, dans Grey’s Anatomy
  • Tasha Jefferson, Dayanara Diaz ou encore Cindy Hayes dans Orange is the New Black
  • Hilda Spellman, dans Les nouvelles aventures de Sabrina (et encore, son personnage d’éternelle (presque) vieille fille super gentille qui fait des gâteaux reste très stéréotypé)
  • Sookie St James dans Gilmore Girl, (mais que je n’ai jamais regardé, donc ça compte pas, sinon il me faut plus qu’une main)

Double peine

Je n’ai pas regardé toutes les séries existantes et je n’ai pas pour objectif de faire une analyse exhaustive de la question mais c’est quand même interpellant. Qu’on le veuille ou non, les femmes grosses font partie de la population. Elles entretiennent des amitiés, souhaitent avoir une vie amoureuse et sexuelle, font parfois des enfants, cherchent un travail épanouissant, écrivent, consomment, réfléchissent, essaient d’acheter des vêtements sympas qui les mettent en valeur,… exactement comme n’importe quelle autre femme. Alors pourquoi bordel n’a-t-on pas encore trouvé intéressant de nous représenter correctement dans les médias de façon générale et les séries – phénomène culturel majeur – en particulier?

Parce que les femmes grosses sont victimes d’une double peine. Non seulement nous sommes discriminées à cause de notre physique, considéré comme le plus horrible des handicaps dont nous serions responsables, mais en plus, cette discrimination est tellement intégrée et normalisée qu’elle en est considérée comme naturelle. Le sexisme ou le racisme sont – fort heureusement – des luttes légitimes, reconnues et portées par des milliers d’entre nous. Mais la grossophobie? Pas encore.

« Gros » n’est pas un gros mot

Et alors, on fait quoi?

Déjà, on se rend compte de cette réalité: les femmes grosses sont absentes du petit écran et des médias traditionnels de façon générale. Et on se rappelle que cette discrimination est englobée dans une autre, beaucoup plus vaste: les femmes qui ne sont pas conformes aux injonctions sociales (minceur, jeunesse, beauté, soumission, respect des normes sociales,…) sont toutes les grandes perdantes de la représentation médiatique.

Et après, on choisit. De continuer à regarder Game of Thrones ou Lucifer, parce qu’on n’est pas obligées de tout boycotter si on n’en n’a pas envie. Mais on choisit aussi de regarder des séries, émissions, réseaux sociaux, médias, qui montrent ce que nous avons besoin de voir: des femmes fortes, dans tous les sens du terme. Histoire de se rappeler que grosses ou pas, on a toutes le droit d’être visibles et d’exister selon nos propres normes.

Vous avez des noms, des adresses, des blogs, des séries sympas à partager qui représentent les femmes dans leurs différences? N’hésitez pas à me les communiquer!


5 réflexions sur “Les grosses: grandes absentes du petit écran

  1. Moi je sais ce que tu dois faire pour t’accomplir.
    (Oui, je commente deux articles en un.)
    Tu dois continuer à écrire pour porter ce genre de message. Car tu l’écris tellement bien, c’est tellement clair, et ça résonne tellement fort que je crois qu’il faudrait que ce soit lu beaucoup, souvent, par plein de monde.
    Donc continue à écrire 🙂
    Et merci pour cet article 🙂

    J’aime

  2. Très bon article !
    Pour les séries qui représentent les femmes dans leur différences et notamment les femmes grosses je pense à : Phénomène Raven et Glee avec le personnage de Mercedes Jones, ce sont deux séries pour ados ou le poids n’est pas ce qui défini les personnages.
    Sinon il y a l’excellente série My Mad Fat Diary où l’héroine principale est grosse, certes cette série parle de trouble du comportement alimentaire néanmoins ce n’est pas le seul pan de la personnalité de Rae (le personnage principale de la série) qui est développée. Rae n’est pas « juste » grosse mais elle a des amis, un amoureux, des gouts, des rêves, ect … J’avais eu un vrai coup de cœur pour cette série.

    J’aime

      • J’ai oublié la série Skam c’est une série norvégienne qui a une adaptation française « Skam France » (qui se diffuse en ce moment sur France Télévision). Dans cette série il y a le personnage de Chris (Alexia dans la version française) une fille grosse qui fait partie de la bande d’amies dont parle la série. C’est un second rôle par contre.
        Et il y a aussi les 2 films de l’adaptation de la bande dessinée Tamara. Le 1 ça parle bcp de Tamara et du complexe que son pois lui procure mais le 2 c’est plus l’histoire de Tamara et sa vie de jeune adulte (études/amour/amitié) 😊

        J’aime

Laisser un commentaire